A notre époque de plus en plus digitale et dématérialisée, le numérique est parfois présenté comme une alternative plus vertueuse que le papier pour l’environnement. Il est vrai que la production de papier utilise du bois, le blanchissement et l’impression utilisent des produits chimiques polluants. A cela s’ajoute l’empreinte écologique représentée par le transport. Or le numérique, malgré les a priori positifs, a des impacts souvent sous-estimés, mais aussi des conséquences sanitaires et sociales dont l’ampleur est de plus en plus confirmée par les études. Et inversement, le papier est parfois plus écologiques que l'on croit !
Consommation énergétique
Pour commencer par le plus évident, à l’inverse des supports imprimés, le numérique consomme de l’électricité. Bien plus qu’on ne l’imagine, et de plus en plus. Un petit smartphone ou une tablette, en cumulé sur sa durée de vie, va avoir une consommation non négligeable, comparé à un livre ou une brochure qui ne consomment rien quand on les utilise. Mais surtout, l’utilisateur consomme beaucoup plus que ce que nécessite son seul appareil, car chaque utilisation met en action aux quatre coins du monde des serveurs, routeurs, data centers… qui acheminent l’information jusqu’à son écran. Le smartphone peut être considéré comme une télécommande or, tout comme la télévision dans votre salon consomme bien plus que les deux piles de sa télécommande, la consommation du smartphone n'est qu'une petite fraction de ce qu'elle déclenche à chaque fois qu'on s'en sert.
Selon l’organisation Carbon Literacy Project, un e-mail génère en moyenne 4 gr de CO2, sachant qu’un internaute en reçoit en moyenne 39 par jour, dont 80 % de spams. (1) L’empreinte carbone totale du secteur numérique est comparable à celle du secteur aérien, en incluant l’énergie nécessaire pour construire les appareils et les infrastructures, les faire fonctionner, et les retraiter en fin de vie. (2)
Beaucoup d'utilisateurs des réseaux sociaux y passent plusieurs heures par jour, or chaque heure représente 150 gramme de CO2 émis, par exemple sur des reels de Tiktok ou Instagram. Comparez cela à la production d'un livre de 200 pages, estimée à environ 1,5 kilo de CO2, soit à peine 10 heures de visionnage de vidéos.
D’après différentes études, la production d’un iPad génèrerait environ 135 kg de CO2 pour un iPad. (3) Soit près de 100 livres standard, de quoi composer une belle bibliothèque. De plus, les appareils que nous utilisons pour le numérique sont fortement frappés par l’obsolescence, avec par exemple une durée de vie moyenne de 18 mois pour un smartphone, alors qu’un livre peut durer des siècles.
Composants chimiques rares et polluants vs gestion durable des forêts
C’est d’autant plus crucial que les ressources consommées pour la fabrication de nos appareils numériques sont à la fois très importantes et très polluantes.
Or l’empreinte carbone est une méthode de comparaison de la consommation énergétique globale lors de processus de production très différents, mais ne distingue pas les différentes sources de pollution, et encore moins les impacts sociaux.
Le procédé de fabrication du papier, peu technique et connu depuis des siècles, a fait l’objet de nombreuses avancées pour le rendre plus écologique : gestion durable des forêts, recyclage, optimisation des processus de blanchiment, normes sur les rejets polluants…
Selon un rapport de la Confédération des industries européennes du papier (CEPI) en 2011, l’industrie papetière a réduit de 40% ses émissions de CO2 par tonne de papier produite par rapport à 1990.(4)
En effet, les industries papetières se conforment de longue date à des contrôles de certification mis en place par des organismes indépendants évaluant leur impact écologique et leur durabilité.
Par exemple, les papiers pour nos cartes Caraïbes + sont labellisés PEFC™ (Program for the Endorsment of Forest Certification Schemes) : ce label est attribué par une organisation internationale de certification forestière, créée en 1999, promouvant la gestion durable des forêts. Les arbres qui ont servis à la fabrication du papier ont ainsi été sélectionnés, plantés et récoltés à cet effet et seront replantés en fin de processus, pour un bilan final neutre en termes de déforestation.
De même nos cartes de visites sont labellisées FSC™ (Forest Steewardship Council) qui est le label d'une organisation international à but non lucratif, ayant le soutien d'organisations environnementales reconnu, comme le WWF. FSC™ a été créée en 1993 par des acteurs de la filière bois et papier, des acteurs sociaux et environnementaux, afin là aussi de développer une gestion durable des forêts dans le monde.
A l’inverse le numérique, une industrie relativement récente à l’échelle humaine, est en pleine explosion avec un cortège de dégâts environnementaux et sociaux que la mesure par l’empreinte carbone ne reflète pas : utilisation de plastiques polluants, de métaux précieux, de terres rares, de produits chimiques, qui sont souvent peu recyclés.
De quoi parlons-nous ? Des 90 % de DEEE (Déchets d’Equipements Electriques et Electroniques) qui ne sont pas recyclés, dont beaucoup finissent dans le tiers-monde démontés en l’absence de toute norme sanitaire et sociale. (5) Des quelques grammes d’or et de platine pour lesquels il a fallu concasser des tonnes de minerai pour les extraire, et qui seront récupérés par des recycleurs avec des produits chimiques extrêmement nocifs pour la santé et l’environnement. (6) Du lithium utilisé pour les batteries qui mettent en danger les écosystèmes et les populations indigènes des pays andins, d’où il est extrait à 85 %. (7) Ou encore du coltan, matériau indispensable à la fabrication de nos écrans, qui est au cœur de la guerre en RDC (République Démocratique du Congo), conflit le plus sanglant depuis la Seconde Guerre Mondiale avec 6 millions de morts. (8) Aujourd’hui encore en 2024, une bonne part du coltan a des origines troubles et/ou est issu de l’exploitation des enfants, malgré certaines avancées.
Impact sanitaire
Au-delà de l’écologie, le numérique a plusieurs impacts sanitaires mis en lumière par les plus récentes études. Des preuves médicales toujours plus nombreuses montrent que la lecture sur écran serait plus nocive que sur papier. La lumière bleue des écrans est notamment incriminée pour son effet aggravant sur la DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge), les longueurs d’onde concernées entre 380 et 500 nm étant les plus toxiques pour les cellules rétiniennes (9). D’autres effets sont aussi supposés pour les rythmes circadiens et chronobiologiques.
La surexposition des enfants aux écrans est aussi largement reconnue comme problème de santé publique avec des impacts sur le développement du cerveau. Mais c’est aussi un enjeu qui concerne les adultes, avec les problématiques de concentration dues aux sollicitations permanentes des notifications, ainsi que les mécanismes d’addiction développés par les concepteurs d’algorithmes. (10) Pour être tout à fait objectif, la lecture d’un livre en papier peut aussi fatiguer les yeux et donner mal à la tête, notamment si les caractères sont trop petits ou l’endroit mal éclairé ! Cependant aucune étude médicale n’a montré de nocivité à la lecture d’un livre en papier, et nous avons plusieurs millénaires de recul.
Dépendance économique
On ne pourrait conclure cet article sans évoquer notre dépendance non seulement aux écrans mais aussi aux mastodontes mondiaux du numérique souvent réunis sous l’acronyme GAFAM (Google Apple Facebook Amazon Microsoft). Dans le secteur du tourisme, ces géants du web sont représentés par la position extrêmement dominante de Booking, TripAdvisor, AirBnB… Sans oublier la fabrication des appareils principalement dans quelques méga-usines chinoises, des terres rares extraites à 90 % en Chine, et la production du lithium contrôlée à 67 % par 3 sociétés seulement (Albermarle, SQW et Tianqi).
Cette concentration économique extrême constatée dans le marché du numérique, n’existe pas dans le domaine du papier. C’est une industrie légère, décentralisée et composée d’une multitude de petits acteurs indépendants : imprimeurs, importateurs de papiers, négociants en encres, revendeurs de machines…
Les conséquences de cette dépendance aux géants du numérique sont bien connues et souvent destructrices pour le tissu socio-économique local, y compris jusqu’à la Martinique. Chacun sait que ces multinationales du numérique sont fortes d’un pouvoir supérieur à celui des Etats, ce qui facilite notamment l’évasion fiscale, l’opacité des transactions, quand ce n’est pas la manipulation des opinions dans les démocraties comme plusieurs scandales l’ont révélé. Tout ça sans pratiquement aucune retombée économique ou fiscale locale, les sièges de ces multinationales étant toujours à l’étranger.
A l’inverse, lorsque vous communiquez avec Caraïbes + ou un autre support papier, vous faites intervenir des entreprises martiniquaises, métropolitaines et européennes, qui font vivre des familles et payent leurs impôts en France.
(1) Source : https://carbonliteracy.com/the-carbon-cost-of-an-email/
(2) Différentes sources mesurent le numérique entre 1,4 % et 4 % de la consommation énergétique mondiale, contre entre 2,7 % et 4,9 % pour l’aérien.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Impact_environnemental_du_num%C3%A9rique
https://fr.wikipedia.org/wiki/Impact_climatique_du_transport_a%C3%A9rien
(3) https://www.lesechos.fr/2011/12/livres-liseuses-tablettes-quel-est-le-plus-vert-404584
(4) Source CEPI : https://www.mediaterre.org/commerce/actu,20171025091658,1.html
(5) Source ADEME, sur Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9chets_d%27%C3%A9quipements_%C3%A9lectriques_et_%C3%A9lectroniques
(6) https://www.lesechos.fr/idees-debats/editos-analyses/la-ruee-vers-lor-des-smartphones-236761
(7) https://www.liberation.fr/planete/2019/06/07/chili-le-salar-s-alarme-du-boom-du-lithium_1732511
(8) https://fr.wikipedia.org/wiki/Coltan
(9) Source : Etude in vitro du Pr Serge Picaud, neurobiologiste et directeur Inserm à l’Institut de la Vision, sur le Figaro : http://leparticulier.lefigaro.fr/jcms/p1_1601296/faut-il-se-proteger-de-la-lumiere-bleue
https://www.1843magazine.com/features/the-scientists-who-make-apps-addictive